LOTUS BLANC

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LOTUS BLANC

LOTUS BLANC, chin. BAILIANJIAO [PAI-LIEN-KIAO]

La plus importante ou, en tout cas, la plus célèbre des sociétés secrètes chinoises (il faudrait plutôt l’appeler secte proscrite), le Lotus blanc (Bailianjiao, ou Bailian hui) est un vaste mouvement syncrétiste sotériologique et mystique qui remonte au moins au XIIe siècle; à plusieurs reprises, il rassembla les masses paysannes en de vastes soulèvements, qui ne furent jamais couronnés de succès, mais dont les séquelles furent si graves qu’elles provoquèrent, en particulier, la chute de la dynastie des Ming.

Si l’on en croit sa propre tradition, la secte fut fondée au début du Ve siècle, sur la montagne sacrée du Lushan; c’est là que trois sages de l’époque, le patriarche bouddhiste Huiyuan, le maître taoïste Lu Xiujing et le poète Xie Lingyun, rendirent ensemble un culte au messie Amitâbha, qui accueille tous les êtres sans distinction dans son paradis de l’Ouest.

Cette légende souligne le caractère à la fois syncrétique et populaire de la secte; elle n’a pas de fondement historique. C’est au début des Temps modernes, qui, pour la Chine, coïncident avec le développement de l’imprimerie aux XIe et XIIe siècles, que les mouvements sectaires en général prennent leur essor. On entend pour la première fois parler d’un mouvement appelé Bailian vers le milieu du XIIe siècle. C’est alors une hérésie nettement bouddhiste. En tout cas, telle est l’impression que les auteurs chinois en ont gardée, à cause de l’amidisme fanatique qui est une des caractéristiques du mouvement; mais, dans la première moitié du XIIIe siècle, d’autres sources établissent une relation entre le Lotus blanc et la religion manichéenne, qui fut alors très active dans la Chine du Sud. Il s’agit des végétariens fondamentalistes et puristes qui s’organisent en communautés laïques et qui échappent à toute autorité, aussi bien à celle de l’administration qu’à celle des Églises bouddhistes et taoïstes constituées.

Les rapports entre la secte du Lotus blanc et le manichéisme, bien qu’ils n’aient jamais été entièrement élucidés à cause de l’extrême rareté des sources, sont néanmoins constamment suggérés par les circonstances. Selon les polémistes, car ce n’est que par eux que l’on a quelques renseignements sur ce mouvement, il s’agit d’un véritable mouvement de masse suscité par les doctrines de Mani.

La secte du Lotus blanc participa très activement au combat nationaliste contre la dynastie mongole des Yuan et eut une part non négligeable dans la fondation de la dynastie des Ming. Le nom même de cette dynastie, qui, contrairement à celui des dynasties précédentes, n’indique pas le nom de famille du clan impérial mais signifie simplement «lumière», peut suggérer une allusion manichéenne. En effet, Mani est communément appelé en Chine «l’envoyé de la lumière» (Mingshi) et la doctrine manichéenne «la doctrine lumineuse» (Mingjiao). Les polémistes taoïstes ont, d’autre part, retenu le rôle important que jouait le Lotus blanc manichéen dans l’arrivée au pouvoir de la dynastie. Mais, d’une façon caractéristique, une fois la puissance de la nouvelle dynastie consolidée, le premier empereur des Ming ne tarda pas à se tourner contre le mouvement qui l’avait porté au pouvoir. En 1370, il décrétait: «L’association du Lotus blanc, la religion du vénérable de la Lumière, la secte du Nuage blanc [autre secte manichéenne], adonnées aux pratiques magiques par lesquelles des sorciers et des sorcières soutiennent le Phénix [l’écriture automatique, pratique spiritiste], adjurent les saints, écrivent des incantations sur l’eau, sont toutes absolument interdites.»

Quelques années plus tard, en 1394, les fidèles du Lotus blanc sont menacés de la peine de mort. Le mouvement entra dorénavant dans l’illégalité, mais il ne cessa de jouer un rôle social et politique extrêmement important. Les jacqueries qui marquèrent la fin de la dynastie des Ming, notamment celle qui fut dirigée, dans la Chine du Nord, par Wang Shen (1566) et celle de Xu Hongru (1522), passent pour avoir été inspirées par l’idéologie du Lotus blanc. La répression de ces rébellions populaires obligea la dynastie à faire appel à ses alliés mandchous, alliés encombrants, qui, une fois les mouvements populaires noyés dans le sang, profitèrent de l’affaiblissement de la dynastie régnante pour prendre eux-mêmes le pouvoir. Ce fut alors la dynastie des Qing, qui commença officiellement en 1644. Dès lors, la secte du Lotus blanc se fit le champion des sentiments xénophobes et nationalistes.

L’obligation de maintenir le secret le plus strict sur l’ensemble de ses activités obligea le mouvement à se fractionner en cellules et groupements épars, portant souvent des noms différents et travaillant sous le couvert d’associations d’entraide de métiers ou de coopération régionale. Il est certain que bien des sociétés secrètes de la Chine contemporaine, qui ont défrayé la chronique parce qu’elles n’hésitèrent pas à recourir au crime pour s’assurer tel ou tel monopole (à la manière de la maffia), étaient, au moins à leur début, en relation avec le Lotus blanc. Les érudits chinois et japonais ont même imaginé des généalogies complexes où l’on voit se développer, à partir d’un tronc commun, toutes sortes de sociétés secrètes telles que les célèbres Tung’s de San Francisco ou les non moins notoires Pand de Shanghai.

Le mouvement du Lotus blanc est cependant avant tout un mouvement religieux qui s’est perpétué, beaucoup plus que dans ces organisations locales de type syndical citées plus haut, dans les sectes populaires de la Chine actuelle. Ce sont elles qui ont puissamment aidé le mouvement républicain qui renversa la dynastie mandchoue, en 1911. Sun Yat-sen, le premier président de la République, appartenait à la secte de la Triade, issue du Lotus blanc.

Dans les années vingt, un nouveau mouvement appelé Yiguandao (doctrine de l’unité fondamentale) rassembla les masses et, dans des provinces entières, constitua même le seul pouvoir réel. Le Yiguandao se rallia à la cause des communistes; durant la guerre sino-japonaise, il fut un instrument de la conquête de la Chine par l’armée de libération de Mao Zedong; c’est lui, en effet, qui encadrait les milices populaires. Son influence en cela fut encore une fois ressentie comme une gêne et ce n’est pas par hasard que la première campagne de la Chine communiste fut dirigée contre lui.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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